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« Faire ce qui est juste est bon pour l’entreprise, et rentable. »  Agir et prendre des décisions conformément à ses valeurs ne met pas l’entreprise à risque mais contribue au contraire à la faire réussir.

L’exemple de Patagonia

Vous connaissez sans doute Patagonia, la marque de vêtements outdoor.  Derrière cette entreprise de plus de 2000 employés se trouve un entrepreneur « pas comme les autres* » Yvon Chouinard,  grand visionnaire et fidèle à ses valeurs.

Conscient que les entreprises contribuent souvent à détruire l’environnement, malgré les richesses et les emplois qu’elle peuvent créer, il rêve d’un nouveau type d’entreprise responsable.  Il est convaincu qu’une entreprise peut faire des choses positives et gagner de l’argent sans pour autant perdre son âme.  Cela ne restera pas une idée théorique.

Né aux Etats-Unis d’une famille d’origine québecquoise, il grandit en Californie et se passionne pour la pêche et l’alpinisme.   Déçu par la qualité du matériel d’alpinisme, il commence par façonner quelques pitons avec du matériel recyclé, à l’arrière de sa voiture, au pied des sommets d’Amérique que lui et ses compagnons ne se lassent pas de gravir.

Très rapidement, son sens de la qualité et de la simplicité (au sens Kaizen du terme) valent à ses pitons d’être reconnus comme le meilleur matériel d’alpinisme et Chouinard Equipment devient le premier fournisseur de matériel d’escalade des États-Unis. En 1972, il revient dégouté d’une ascension au El Capitan en découvrant les dégâts provoqués à la roche par ses pitons.  Il décide d’arrêter la production de pitons, pierre angulaire de son entreprise et développe une alternative qui n’abîme pas la roche : les coinceurs en aluminium.  Par l’explication pédagogique (dans son catalogue) et par l’exemple (il fait lui-même l’ascension du Nose au El Capitan sans pitons ni marteau),  il convainc le marché que l’escalade propre est possible et souhaitable, et très rapidement, les ventes de coinceurs cartonnent!

C’est la première d’une longue série de décisions qu’il prendra en fonction de ses valeurs.  Loin de le pénaliser, ce choix-là (qui aurait pu s’apparenter à scier la branche sur laquelle il était confortablement assis) lui aura permis de se réinventer, et par là-même, de distancer la concurrence qui cherchera toujours à les imiter.

La même année, la société ajoute à sa gamme de produits des articles et vêtements outdoor solides (anoraks de pluie enduits de polyuréthane, micropolaires, sacs de bivouac) et en 1973 prend le nom de Patagonia

Croissance…et crise de croissance

Entre 1985 et 1995, le chiffre d’affaires de Patagonia grandit de manière significative.  Yvon Chouinard est bien forcé de réfléchir management et développement.  Il applique des méthodes innovantes et lance des tendances managériales en ligne avec ses valeurs: création d’une crèche d’entreprise, équipe de collaborateurs qui se tient comme une famille, latitude pour les collaborateurs de s’adonner à leurs passions sportives, construction du nouveau siège social sans bureaux individuels, cafétaria « bio », facile d’accès, créativité des collaborateurs encouragée, bâtiments modèles d’efficacité énergétique, autonomie et sens de l’initiative.

Cette approche très innovante à l’époque lui permet de devenir une des entreprises les plus attractives et où il fait bon vivre pour les employés (Etude Great Place to Work, 2004), attirant les meilleurs profils de collaborateurs.

Parallèllement, dans ses voyages d’alpinime que lui permettent son « MBA » (« Management By Absence »), Yvon Chouinard prend conscience des ravages écologiques et sociaux et ramène ces questionnements dans l’entreprise.  Il laisse les collaborateurs soutenir activement et financièrement des projets de sauvegarde de l’environnement portés par des militants locaux, puis mène des campagnes à l’échelle nationale. 1% de son CA est reversé à des ONG se consacrant à la protection de l’environnement.

Dans l’entreprise également, la réflexion environnementale est lancée : papier recyclé, polyester recyclé pour les vestes, nouveaux processus de production, coton 100% bio, … Aucun de ces changements n’est facile à réaliser, l’entreprise vit même des grands moments de crise mais toutes les décisions prises amènent finalement du positif pour l’entreprise, contribuent à son positionnement de leader du marché et participent au maintien de  la croissance à deux chiffres.

En 1991, la croissance amène son lot d’erreurs classiques et de crises qui mettent l’entreprise en péril et amènent Yvon Chouinard, ses directeurs et ses collaborateurs à se poser des questions fondamentales: quelle croissance est possible et cohérente avec nos valeurs de « meilleur matériel du monde » ?  Ils décident de se limiter à une croissance « naturelle » et de se recentrer sur leur objectif premier.  Il réalise que sa motivation profonde en tant qu’entrepreneur n’est pas tant de faire de l’argent pour pouvoir financer de manière indirecte des associations écologiques, mais plus fondamentalement de  « construire un modèle de bonne gestion écologique et de durabilité, qui soit une référence pour les autres entreprises. »

Les valeurs comme guides de nos actions

En pleine crise, ils font émerger les valeurs de l’entreprise et déterminent la charte de conduite : « Fabriquer les meilleurs produits en causant le moindre impact environnemental, utiliser le monde des affaires pour inspirer et mettre en place des solutions à la crise environnementale. »

Les valeurs, les principes philosophiques de Patagonia ne sont pas des règles mais des orientations générales, qui doivent être respectées et suivies, par tous dans l’entreprise, à tout moment et pour tout projet.  Les processus peuvent changer mais pas les valeurs.

Les valeurs se retrouvent dans la philosophie de conception des produits, dans la production,  dans l’architecture de leurs magasins, dans la distribution, dans le marketing, dans la gestion financière,  dans les ressources humaines,  dans le management et bien sûr sous-tendent la politique environnementale.

Les valeurs que nous nous fixons ne nous retiennent pas en arrière.  Au contraire, elles nous aident dans la difficulté et le changement.  Chaque organisation doit s’adapter, se montrer résiliente, et constamment essayer d’adopter de nouvelles idées et de nouveaux processus.  Quand on veut, comme Yvon Chouinard,  que son entreprise devienne centenaire, il faut aimer piloter le changement, et les valeurs tiennent lieu de gouvernail.

Et vous, comment pilotez-vous dans l’incertain?

L’itinéraire d’un entrepreneur comme Yvon Chouinard pose les bonnes questions : Connaissez-vous votre motivation profonde en tant qu’entrepreneur ? Avez-vous fait émerger les valeurs de votre entreprise …en intelligence collective, en impliquant vos collaborateurs? Les connaissent-ils ? Les vivent-ils ? Vos valeurs se retrouvent-elles à tous les niveaux ? Les utilisez-vous commes des guides, d’action, d’agilité, d’innovation?

*c’est le sous-titre de son livre : « Confessions d’un entrepreneur…pas comme les autres » traduit de l’anglais « Let my people go surfing », Editions Vuibert.

 

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